Mali - L'Observateur indépendant publie un nouveau rapport sur la mise en œuvre de l'Accord
BAMAKO, MALI (23 septembre 2019)– Malgré les progrès récents dans le processus d’intégration des combattants des anciens groupes rebelles dans les forces nationales de défense et sécurité, dans l’ensemble, des tactiques dilatoires et le manque de leadership des décideurs ont continué à retarder la mise en œuvre de l’accord de paix du Mali, selon un nouveau rapport du Centre Carter.
Le rapport du Centre Carter, qui est l’Observateur indépendant de la mise en œuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015, relève quelques progrès acquis entre mai et aout 2019, à l’instar de l’adoption par l’Assemblée Nationale, en juin 2019, de la Loi d’Entente nationale et de la Loi créant la Zone de développement des régions du Nord. En août, environ 1000 combattants de la Coordination des Mouvements de l’Azawad et de la Plateforme ont intégré les forces nationales de defense et de sécurité, bien qu’ils ne soient pas encore redéployés.
Toutefois, le rapport note aussi les tactiques dilatoires des parties dans le processus de démobilisation, désarmement, et réintégration (DDR) accéléré, ainsi que la pause dans le processus de réforme constitutionnelle. Le referendum constitutionnel prévu en juin n’a pas eu lieu et le Dialogue Politique Inclusif, le processus destiné à renforcer le soutien à la reforme constitutionnelle, devra être achevé avant le redémarrage de celle-ci. En juillet, la profanation du drapeau malien à Kidal a également contribué un nouveau revers pour le retour des services sociaux gouvernementaux à la ville.
L’Observateur indépendant consacre une importante partie de son rapport à l’examen de l’état d’exécution par les Parties signataires de leur engagement pour appuyer le développement socio-économique, surtout au nord du Mali. Sur ce point, le rapport note que les résultats de mise en œuvre des différents plans lancés par le Gouvernement et la Stratégie spécifique pour le développement des régions du nord n’ont pas été suffisamment clarifiés. Compte tenu de l’absence de fléchage géographique des budgets touchant au développement économique, il a été impossible pour l’Observateur indépendant d’identifier les dépenses engagées pour des projets spécifiques prévus par l’Accord.
En outre, les nouvelles institutions prévues pour soutenir le développement au nord ne sont pas pleinement opérationnelles. Concernant la Zone de développement, le rapport relève que les institutions et mécanismes prévus pour sa mise en place et son opérationnalisation ne sont ni effectifs ni fonctionnels. Les différends sont encore vivaces entre les Parties signataires sur la gestion et le fonctionnement du Fond de Développement Durable (FDD) destiné à soutenir le développement des régions du Nord.
L’Observateur indépendant a cependant constaté que, pour appuyer ce processus de développement, les donateurs internationaux ont généralement tenu leurs engagements financiers annoncées en 2015 à la Conference de Paris, qui représentaient une contribution de 3.5 milliards de dollars américains. Toutefois, ce montant correspond en grande partie à des projets déjà en cours en 2015 et non à de nouveaux financements supplémentaires spécifiquement liés à l’Accord. Globalement, l’absence de développement économique depuis 2015 contribue au scepticisme croissant du public à l’égard de l’Accord.
L’Observateur indépendant recommande plusieurs mesures pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord, notamment que le Gouvernement, en coordination avec les partenaires internationaux, publient un rapport sur l’état d’exécution des donations internationales en soutien à la mise en œuvre. Les signataires devraient également rapidement opérationnaliser la Zone de développement et résoudre leur différends sur le Fonds de Développement Durable.
En outre, l’Observateur indépendant recommande au Conseil de Sécurité des Nations unies et au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine d’encourager les décideurs au plus haut niveau à faire preuve d’un leadership accru dans la mise en œuvre. Pour la première fois depuis le début de sa mission, l’Observateur indépendant recommande aussi que la communauté internationale envisage des mesures dissuasives ou des sanctions à l’encontre des décideurs, notamment face aux multiples manœuvres dilatoires qui retardent la réalisation processus essentiel du DDR.
Le rapport conclut que les défis pour la mise en œuvre et pour une paix durable au Mali demeurent importants.
Sans une action plus résolue des dirigeants du Gouvernement, de la CMA, et de la Plateforme, la mise en œuvre continuera à être caractérisé par des lenteurs et des réticences chroniques, avec les risques que cela représente pour le Mali et la région.
Contexte : Le Centre Carter a été désigné comme l’Observateur indépendant à la fin de 2017. Selon l’Article 63 de l’Accord de 2015, le travail de l’Observateur indépendant consiste à identifier de manière impartiale les blocages dans le processus de mise en œuvre et à recommander des mesures pour améliorer la mise en œuvre. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans ses résolutions 2391 (décembre 2017), 2423 (juin 2018) et 2480 (juin 2019), a reconnu le rôle du Centre Carter en tant qu’Observateur indépendant. Ce rapport, destiné aux Parties maliennes, à la communauté internationale et au public, est le cinquième des rapports périodiques de l’Observateur indépendant. Entre aujourd’hui et le prochain rapport, le Centre Carter poursuivra ses contacts avec les acteurs dans le but de soutenir la mise en œuvre de l’Accord et la paix durable au Mali.